lundi 16 juillet 2012

Devenir Belge sera plus difficile

Selon Le Soir, les députés membres de la majorité à la Chambre ont trouvé un accord pour réformer le code de la nationalité. Les conditions pour obtenir la nationalité belge seront à l'avenir plus strictes, sous conditions d'intégration.

Les conditions exigées seront notamment linguistiques, soit une connaissance de la langue de la Région ou une des langues nationales, et sociales (diplôme obtenu dans un établissement belge, formation professionnelle de 400 heures, parcours d'intégration).

D'autres conditions seront liées à l'intégration économique: le candidat à la nationalité devra avoir travaillé au moins 468 jours au cours des 5 dernières années, ce qui exclut d'office tous ceux (les femmes surtout) qui travaillent à temps partiel ou qui ont des emplois précaires.

Désormais, selon l'accord, il y aura une procédure à deux vitesses pour que les étrangers majeurs qui ne sont pas nés en Belgique acquièrent la nationalité belge: une procédure courte de 5 ans et une procédure plus longue, de 10 ans. La période courte est prévue pour les personnes qui répondent à de nombreux critères (linguistiques, sociaux et économiques).

La naturalisation deviendra pour sa part beaucoup plus rare. Pour y accéder, l'étranger devra prouver des mérites "exceptionnels" dans les domaines scientifique, sportif ou socio-culturel. Il devra démontrer qu'il a contribué "au rayonnement international de la Belgique".

belga.be

jeudi 12 juillet 2012

Prenez vos décisions dans une langue étrangère, elles seront plus rationnelles que dans votre langue maternelle !

Les actes comptent plus que les mots. C'est en tout cas l'adage. Mais tout dépend des mots. Allons même plus loin : et si une même proposition formulée différemment entraînait des actions différentes ? Un sondage publié par la chaîne de télévision américaine CBS News et le New York Times révèle que le choix des mots est très important. Deux questions étaient posées à des Américains :

1/ Trouvez-vous que les homosexuels devraient être autorisés à servir dans l'armée américaine ?
2/ Trouvez-vous que les hommes gays et les lesbiennes devraient être autorisés à servir dans l'armée américaine ?

Deux questions semblables mais formulées différemment, qui donnaient des résultats assez étonnants. Après qu'on leur ait posé la première question, 59% acceptaient que les homosexuels servent dans l'armée contre 70% pour la deuxième question !

Ce sondage reflète en fait la théorie développée par Daniel Kahneman et Amos Tversky en 1979 : la théorie des perspectives. Cette dernière décrit la manière dont les individus évaluent de façon asymétrique leurs perspectives de perte et de gain. Les économistes ont longtemps pensé que les décisions étaient prises logiquement par des "agents rationnels" qui se servaient de n'importe quelle opportunité pour augmenter leurs bénéfices et leurs plaisirs. Mais les deux psychologues démontrèrent qu’un même choix formulé, proposé différemment, avec des perspectives différentes donc, n'entrainait pas des décisions similaires.

Ces questions de vocabulaires sont bien évidemment tous les jours utilisées, notamment par les communicants. En politique, il sera par exemple plus intéressant de parler d'"exploration pour l'énergie" que de "forage pour le pétrole", ou encore d'"allégements fiscaux" plutôt que de "réductions d'impôts".

Oh, cauchemar, nous sommes tous manipulés par les mots. Et s'il y avait un moyen d'échapper à cette manipulation ?

Une étude publiée en avril 2012 dans Psychological Science et menée par Boaz Keysar, psychologue de l'université de Chicago, démontre que les bilingues seraient immunisés à la théorie des perspectives, mais seulement quand ils utilisent la langue qui n'est pas leur langue maternelle. "Il serait intuitif de penser que les gens font les mêmes choix quelque soit la langue qu'ils utilisent, ou justement qu'utiliser une langue étrangère ne rendrait pas les décisions systématiques. Nous avons découvert le contraire : Parler une langue étrangère diminue les prises de décisions biaisées".

Boaz Keysar a mené plusieurs tests, basés justement sur ceux de Daniel Kahneman, pour en arriver à cette "immunité" des bilingues.

Le test se présente comme suit :
"Une nouvelle maladie a été découverte. Sans soins médicaux, 600 000 personnes en mourront. Pour sauver ces malades, deux types de traitements, A et B, ont été mis au point.

Si vous choisissez le traitement A, 200 000 personnes seront sauvées.

Si vous choisissez le traitement B, il y a 33,33% de chances que 600 000 personnes, donc l'ensemble du groupe infecté, soient sauvées, et 66,66% de chances que personne ne survive.

Quel traitement choisissez-vous ?"

Les tests ont été menés sur 121 étudiants américains ayant appris le japonais, et 144 étudiants coréens parlant l'anglais.

Les chercheurs se sont alors rendu compte que lorsque les "sujets" entendaient l'énoncé du problème dans leur langue maternelle, les mots comptaient beaucoup, et ils choisissaient le traitement A les trois-quarts du temps. Cela changeait quand la formulation pour le traitement A était modifiée de façon à ce que "400 000 personnes ne survivent pas", et non plus "200 000 personnes de sauvées", toujours sur un groupe de 600 000. Il a été prouvé que les hommes sont instinctivement contre la prise de risques quand ils ne considèrent que les profits, et au contraire pour la prise de risques quand la question des pertes entre en jeu.

Les chercheurs ont alors ensuite réalisé que la formulation perdait de son importance quand les sujets du test s'y intéressaient dans une langue autre que leur langue maternelle. Ils choisissaient alors à égalité la solution A, quelque soit la formulation dont elle était présentée (en gains ou en pertes).

Dans une langue étrangère, les actions se libèrent donc. Les chercheurs estiment que parler une seconde langue aide à avoir une distance cognitive utile par rapport aux processus habituels, et que cela permet d'avoir une pensée analytique, réduisant les réactions émotionnelles.

Les conséquences de ces recherches sont multiples, et notamment sur la finance. "Les décisions prises tous les jours par des personnes dans une langue étrangère plutôt que dans leur langue maternelle concernant les investissements, l'épargne seront moins biaisées".

Deux raisons peuvent expliquer les effets des langues étrangères. Entendre une phrase dans une langue étrangère aurait moins d'impact que dans sa langue maternelle car cette autre langue n'a pas autant de résonance émotionnelle, d'implications… Utiliser une langue étrangère nous rendrait en effet moins sanguin, plus froid.

L'autre raison serait liée à la vitesse de pensée. Penser vite entraîne des actions plus intuitives, quand penser lentement pousse à un raisonnement plus analytique. Or parler une langue étrangère demande plus d'efforts. La boucle est bouclée.

Donc si vous décidez de ne pas prendre les décisions dans une langue étrangères, essayez au moins d'y penser à deux fois !

http://www.atlantico.fr/decryptage/decision-langue-etrangere-plus-rationnelle-langue-maternelle-376545.html

lundi 2 juillet 2012

Chez Michelin, le français reste la première langue

mplanté dans 18 pays, le groupe de pneumatiques n'a pas pour autant cédé au diktat de l'anglais. Question de culture et d'efficacité.

Chez Michelin, la pratique du Français est un "ingrédient clef" de cohésion.
Chez Michelin, la pratique du Français est un "ingrédient clef" de cohésion.
REUTERS/Regis Duvignau
Ce jeudi 21 juin, comme chaque mois, le comité exécutif du groupe Michelin se réunit à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Autour de la table, 12 personnes et, parmi elles, un seul étranger, l'Américain Terry Gettys. Le patron de la R & D du n° 2 mondial du pneumatique, originaire d'Alabama, s'est exprimé, comme les autres, dans la langue de Molière. Rien d'étonnant à cela : voilà bientôt cinq ans qu'il est installé en Auvergne. Surtout, même si la France ne représente plus que 10 % de l'activité du groupe et 20 % de ses effectifs, la maison Bibendum tient à sa singularité. Seule entreprise du CAC 40 dont le siège n'est pas à Paris, elle est probablement la seule, aussi, à se montrer si vigilante sur la diversité linguistique. Pas question de laisser prise au syndrome Alcatel, où les participants d'une réunion pouvaient réaliser après une demi-heure d'échanges dans un anglais moyen qu'ils étaient tous... francophones!
Pourtant, au début des années 2000, dix ans après l'acquisition de l'américain Uniroyal-Goodrich, Edouard Michelin, qui venait tout juste de succéder à son père, décidait de faire de l'anglais la deuxième langue officielle du groupe. Une révolution qui en cachait une autre : "Il avait senti l'importance de soutenir la langue française tout en développant l'anglais", relate Claire Dorland Clauzel, directrice de la communication et des marques. Depuis, les deux idiomes cohabitent : quand on fait une présentation en anglais, il faut s'appuyer sur un diaporama en français... et vice-versa. L'anglais est pratiqué, sans devenir une lingua franca. Bien au contraire : la règle veut que les principaux cadres dirigeants maîtrisent le français en plus de leur langue maternelle. Résultat : la moitié des formations en langue sont consacrées au français. La culture familiale et locale très forte de Michelin explique cette politique volontariste. "Plus on se développe à l'international, plus il est important d'assurer la cohésion de l'ensemble, souligne Dorland Clauzel. Notre culture est notre ciment et la langue en est un ingrédient clef."
L'apprentissage du français découle logiquement d'une autre règle intangible : le passage obligé par le siège clermontois pour tous ceux qui ont vocation à grimper les échelons. Une immersion parfois violente, mais efficace. "Les six premiers mois sont très durs pour un non-Français, raconte Pete Selleck, président de Michelin Amérique du Nord. Il passe beaucoup de temps à traduire. Le soir, il a la tête farcie. Mais après un an, la transition est faite et le fonctionnement devient beaucoup plus facile." Lui-même, fils de militaire ayant vécu en France, n'a pas eu à subir cette épreuve. Mais, après huit années passées en Auvergne, cet ancien de West Point voit bien comment la langue a pu produire "cette grande rigueur et ce souci du détail". A tel point que, dans la production, les mots français se sont imposés : GI, pour gomme intérieure, est ainsi devenu un terme universel, des Etats-Unis à la Chine. "Nous n'avons pas de drapeau français sur nos usines, mais nous partageons le même vocabulaire", s'enorgueillit Selleck.
Des écoles aux Etats-Unis, en Chine, en Inde...
Michelin ne lésine pas sur les moyens. Une école de formation, destinée aussi bien aux enfants d'expatriés (pour qu'ils puissent poursuivre leur scolarité en français) qu'aux cadres locaux, pour qu'ils commencent leur apprentissage, jouxte ses principales implantations. A Greenville, aux Etats-Unis (1974), à Clermont-Ferrand, en Auvergne (1996), à Shenyang, en Chine (2002), ces structures tournent à plein régime. En Inde, à Chennai, l'école a ouvert l'été dernier, plus d'un an avant l'inauguration de l'usine. Autant dire que le terrain est rarement abandonné à l'anglais. Pour le plus grand plaisir des francophiles : "En français, on peut recourir à l'implicite, glisse Pete Selleck. Ce qui, dans le business, peut se révéler parfois très utile..."