mercredi 14 mars 2012

Riches Français, "on vous trouvera une nationalité"

"Sarkozy a parlé hier soir, et aujourd'hui, à 14 heures, j'avais déjà reçu deux appels de Français installés en Suisse qui m'ont informé de leur intention d'abandonner leur nationalité française." Philippe Kenel aime bien la campagne présidentielle. Entre les propositions de François Hollande d'imposer les riches à hauteur de 75 % de leurs revenus au-dessus d'un certain seuil et celles du président-candidat de taxer les exilés fiscaux au prorata de ce qu'ils devraient acquitter en France, cet avocat fiscaliste suisse, qui exerce entre Genève et Bruxelles, voit sa clientèle augmenter. "Je délocalise vingt à trente riches par an, dont la moitié sont français. Depuis le début de l'année, j'ai déjà atteint mon quota", se réjouit-il.

Face à ce Jean-qui-rit, les exilés fiscaux seront-ils des Jean-qui-pleure devant les tentatives des candidats de leur faire rendre gorge ? "Je dis à mes clients qui s'inquiètent : Attendez que ça se passe. Ce sont sans doute des gesticulations électoralistes. En réalité, un projet comme celui de Sarkozy est quasiment impossible à mettre en oeuvre. Mais, si au final ça devait se concrétiser, on vous trouvera une nationalité. Pas suisse, bien sûr, car alors c'en serait fini de votre avantageux forfait fiscal qui n'est accordé qu'aux étrangers."

"Instabilité fiscale"

Alain Lefebvre, lui, est fataliste. "Si Sarko le fait, je payerai. Je ne prendrai pas la nationalité belge pour échapper à l'impôt. Un jour, quand je serai très, très vieux, je veux retourner m'installer en France." La France, cet ancien entrepreneur l'a quittée en 2005, lorsque, à 58 ans, il a vendu son petit groupe de presse éditant des magazines d'art de vivre. Il s'est installé à Bruxelles pour échapper à l'impôt sur les plus-values, ce qui lui a permis d'économiser "plusieurs centaines de milliers d'euros". Un argent réinvesti en Belgique, où il a fondé Juliette et Victor, un bimestriel destiné plus particulièrement... aux Français de Belgique. "Je fais travailler une dizaine de personnes de façon régulière", précise Alain Lefebvre.

Cet exilé fiscal regardait TF1, lundi soir. "Ma première réaction en entendant Sarkozy a été : Tiens, il fait du Mélenchon !" Alain Lefebvre déplore la nouvelle saillie fiscale du président-candidat : "C'est très inquiétant car, une fois encore, on nous en remet une couche. On ajoute de l'instabilité fiscale. Or, ce qui pousse les gens à partir, plus que le montant de l'impôt, c'est le fait de ne jamais savoir sur le moyen terme à quelle sauce on sera mangé. En France, on ne le sait pas. L'été dernier, on a eu une vague de taxation de l'immobilier secondaire. Cette instabilité, c'est une maladie franco-française." Bruxelles s'est imposé à lui comme aux quelques milliers d'exilés français qui profitent de son immobilier bon marché, de son art de vivre. Et du Thalys qui met Paris à moins d'une heure trente du centre de Bruxelles.

Salariés contre capitalistes

Philippe Kenel leur propose un autre raisonnement : "Au-delà de 7 millions de capital, je leur conseille l'expatriation vers la Suisse, qui impose un forfait fiscal de 100 000 euros au minimum. Sous cette barre, la Belgique, qui ne connaît ni impôt sur la plus-value, ni ISF, est intéressante."

La capitale de l'Europe va donc sans doute s'enrichir de quelques exilés fiscaux supplémentaires dans les mois à venir. Ce qui laissera de marbre les salariés belges, qui, eux, sont écrasés d'impôts (qui atteignent rapidement 50 % de retenues à la source) par un système fiscal moyenâgeux. Mais Philippe Kenel en est persuadé : "Le fortuné français fuira toujours un gouvernement de gauche, mais, plus encore, un gouvernement de droite qui fait une politique de gauche."

http://www.lepoint.fr/economie/riches-francais-on-vous-trouvera-une-nationalite-13-03-2012-1440872_28.php

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