vendredi 29 juillet 2011

La naïveté norvégienne

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André Grjébine évoque la «naïveté» de certains experts norvégiens, «con­vaincus que l'intégration de ces immigrés se passerait bien parce que la Norvège n'a jamais été une puissance coloniale. L'un d'eux prédisait même que les ressortissants du tiers-monde finiraient par importer chez eux la social-démocratie scandinave ! ». Pourtant, la Norvège a été épargnée jusqu'ici par ces tensions intercommunautaires qui ont parfois ébranlé la Suède. «Les immigrés y sont bien accueillis, constate André Grjébine, mais, même après plusieurs années, on s'y mélange moins qu'ailleurs.»

Paradoxe

Le délire obsessionnel d'Anders Breivik, la chasse au multiculturalisme, est l'un des principaux fonds de commerce du Parti du progrès. Pour André Grjé­bine, le succès de cette formation populiste xénophobe, devenue la première force politique d'opposition, illustre à sa manière le paradoxe norvégien : «En 2009, les enquêtes d'opinion indiquaient que les Norvégiens étaient très majoritairement favorables à l'immigration. Mais, la même année, près d'un quart des électeurs ont voté pour le Parti du progrès » (22, 9 % des suffrages). Breivik a milité plusieurs années au sein de cette formation avant d'en être radié. Certes, poursuit André Grjébine, «cette formation n'est pas responsable du massacre d'Utoeya. Il n'empêche qu'elle n'est pas tombée du ciel».

À l'instar du Parti du progrès, Breivik apparaît comme le symptôme du malaise identitaire qui a gagné insidieusement la Norvège. «Il y a deux ou trois ans, se souvient André Grjébine, le quotidien Dagbladet avait publié une série d'articles intitulée : “Que se passera-t-il quand la Norvège sera musulmane ?”» Ce même journal se demandait jeudi si le royaume du politiquement correct sera à présent capable d'engager un débat de fond sur le multiculturalisme, «sans diaboliser ses pourfendeurs et en prenant au sérieux l'hor­rible point de vue d'Anders Breivik».

http://www.lefigaro.fr/international/2011/07/28/01003-20110728ARTFIG00547-breivik-et-le-revers-de-la-medaille-norvegienne.php

Bienvenue à Oslo


Oslo : “C’est dur d’être norvégien de souche ici”

Article paru le 23 juin 2011 dans le journal norvégien à grand tirage Aftenposten.

Il est bien décidé. Après une vie de tolérance des différences à Oslo, ces dernières années Patrick Åserud a été effrayé au point de partir. Cet été, il va s’installer hors de la ville avec sa femme et sa fille qui est à la maternelle.

Il quitte une localité qu’il croit être sur le point de craquer à cause de l’intégration qui a échoué.

Il a l’impression que c’est lui et sa famille qui doivent s’intégrer, telle une minorité dans leur propre pays.

Histoires dérangeantes

« C’est dur d’être norvégien “de souche” à Groruddalen (vallée de Grorud, en periphérie Est d’Oslo). À cause des gros problèmes de langue, ainsi qu’une pression pour s’adapter à des normes, un mode de vie et une manière totalement étrangers à nous, occidentaux. » dit Åserud.

« Il existe des écoles maternelles où presque aucun enfant n’a des parents qui parlent le norvégien, et des écoles où les enfants sont menacés par des coups quand ils apportent du salami dans leurs sandwichs. »

« Les filles sont victimes d’intimidations parce qu’elles sont blondes, et doivent teindre leurs cheveux en noir pour s’adapter. Il n’est pas acceptable d’être gay à l’école, ni athée et certainement pas d’être Juif. Les trois dernières années en particulier ont été effrayantes, de voir et d’entendre ce qui se passe » explique Åserud.

Une majorité de parents d’élèves ont besoin d’un interprète

Il a dit qu’à son travail au centre de garderie, où il est éducateur depuis 15 ans, il remarque une diminution du nombre de Norvégiens au profit des minorités ethniques.
« Pour 10 parents sur 18, nous avons besoin d’un interprète. Quel genre d’avenir pouvez-vous vraiment offrir [aux enfants] dans ces conditions et comment créer un bon environnement de travail ? » demande Åserud pour la forme.

Des milliers ont quitté la vallée

Il a l’impression que c’est lui et sa famille qui doivent s’intégrer, telle une minorité dans leur propre pays.
« J’ai été positif et optimiste par le passé. Mais les limites sont atteintes quand on a une majorité qui ne parle pas norvégien. Nous sommes nombreux à ressentir cela fortement, quelle que soit la couleur de notre peau. Une famille indienne n’a pas plus envie que moi de vivre comme des musulmans parce qu’ils sont bruns de peau. »

- «Beaucoup de gens vont probablement penser que vous êtes trop sensible ou déphasé par rapport à la nouvelle Norvège? »

- «Si c’est le cas, il y a beaucoup de personnes qui sont trop sensibles comme moi. Le fait est que les gens déménagent d’ici. Ils le font en raison d’expériences concrètes qu’ils ont vécues » répond Åserud.

Les chiffres des statistiques norvègiennes le confirment. Il y a maintenant 3000 Norvégiens d’origine de moins à Groruddalen qu’il y a seulement deux ans. Le dépeuplement se produit plus rapidement qu’avant, mais sur une longue période les chiffres parlent clairement: Groruddalen a perdu 20.000 Norvégiens “de souche” au cours des 15 dernières années, malgré la croissance démographique. La part de norvégiens “de souche” a baissé de 82 à 56 pour cent en 15 ans.

Craintes que ça devienne Malmo (en Suède)

Et cette année Åserud fera partie des statistiques. Il emmène sa famille à Hamar.
- « Nous ne connaissons personne là-bas, mais nous n’avons pas les moyens pour une maison à Høybråten, Røa ou d’autres endroits où on ne se sent pas étranger » explique Åserud.

Pas de recette pour inverser la situation.

- « C’est difficile à dire. Je crains que cela devienne comme Rosengård (banlieue de Malmö). Il y a des tirs dans la rue en moyenne une fois par semaine. Je veux le meilleur pour ma ville, mais je ne pense que je puisse porter tout le poids de l’intégration sur mes épaules », a déclaré Åserud.

Source : Aftenposten http://www.aftenposten.no/nyheter/oslo/article4070789.ece

Aftenposten (Norwegian for "The Evening Post") is Norway's largest newspaper.

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