lundi 30 mai 2011

Quand l'occupant n'est pas celui que l'on veut bien croire...

" Israël occupe les territoires palestiniens " : pour les ennemis d'Israël mais également pour une bonne partie de ses amis et même pour une majorité d'Israéliens, il s'agit là d'un axiome de base. Durant la guerre des Six jours, entend-on dire, Israël a conquis des territoires palestiniens et y a installé ses '' colons '' en toute impunité et en évidente violation avec le droit international. Et si cet axiome n'était qu'un mensonge ? Si le droit international affirmait exactement le contraire mais que, pour des raisons politiques et diplomatiques évidentes, on ait choisi de passer certaines vérités à la trappe ? Pour tenter de clarifier un tant soit peu le statut juridique de la Judée et de la Samarie du point de vue du droit international, Hamodia s'est plongé dans les archives et a remonté le cours de l'Histoire. Un dossier qui rétablit une vérité que beaucoup ont choisi d'oublier.

On n'en parle quasiment pas et pourtant, lorsqu'on se penche sur les documents historiques traitant du statut juridique de la Judée et de la Samarie, on y trouve des arguments percutants contre tous les détracteurs qui accusent Israël d'occupation des " territoires ", qu'ils soient arabes, américains, européens ou même membres de l'extrême-gauche israélienne.
Il s'agit de textes, écrits noir sur blanc, datant, pour certains, d'un siècle mais faciles à consulter, et pourtant, il semble bien que quasiment personne, dans les bureaux du Premier ministre, du ministre des Affaires étrangères ou de celui de la Hasbara n'ait pris le temps de bâtir une stratégie basée sur ces textes qui évoquent très clairement qu'Israël est loin d'être la puissance coloniale qu'on l'accuse d'être depuis 1967.
Lorsqu'on étudie les archives médiatiques qui ont précédé les accords d'Oslo, on se rend compte que le narratif israélien officiel concernant la présence israélienne en Judée-Samarie était beaucoup moins '' apeuré '' qu'aujourd'hui. Jusqu'en 1993, Israël donnait beaucoup moins l'impression de devoir se justifier pour avoir fondé des localités juives au-delà de la ligne verte. Jusqu'à cette époque, Israël n'avait pas l'air de supplier pour que la communauté internationale et le monde arabe en particulier lui accordent l'ultime faveur de conserver les fameux " blocs d'implantation ".
Selon le Pr Éliav Cho'hatman, juriste et enseignant à l'institut d'études supérieures de Droit " Chaaré Michpat ", il ne fait aucun doute que les accords d'Oslo ont marqué le point de départ de cette attitude qu'il juge « catastrophique » : « Jusqu'alors, nos dirigeants n'hésitaient pas à clamer haut et fort nos droits sur toute la terre d'Israël du point de vue du droit international mais depuis que les accords ont été signés, seuls des motifs sécuritaires sont évoqués pour quémander qu'une partie de ces territoires qui nous reviennent de droit restent entre nos mains ».

Le Pr Cho'hatman affirme qu'il a transmis au Premier ministre Binyamin Nétanyaou, lors de son premier mandat (1996-99), ses travaux sur ce sujet mais il déplore que le chef du gouvernement n'en ait pas fait usage : « Lorsque je l'ai entendu parler de deux États pour deux peuples, j'ai compris pourquoi... »

Balfour et San Remo
Pour comprendre ce dossier, il faut remonter à il y a un peu moins d'un siècle, le 2 novembre 1917, pour être plus précis. À cette date, Lord Balfour, ministre des Affaires étrangères de Grande Bretagne, écrit, en accord avec 'Haïm Weizmann, alors président de l'Organisation Sioniste Mondiale, une lettre officielle adressée à Lord Lionel Walter Rothschild, président d'honneur de l'Organisation Sioniste d'Angleterre. Par cette lettre, le Royaume-Uni se déclare en faveur de l'établissement d'un foyer national pour le peuple juif en Palestine. C'est la fameuse " Déclaration Balfour " qui suscite un véritable engouement dans le monde juif. Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, la Société des Nations confie à la Grande Bretagne, un mandat sur la Palestine.
Trois ans après la déclaration Balfour, en 1920, se tient la conférence de San Remo, au cours de laquelle les grandes puissances se partagent le " butin '', en l'occurrence les territoires conquis durant la guerre. Lors de cette conférence, il est décidé d'introduire la Déclaration Balfour de 1917 au Mandat Britannique. Cette décision confirme la reconnaissance internationale du droit des Juifs à l'auto-détermination en Palestine, la Grande Bretagne devant « œuvrer pour la réalisation de cette déclaration (Balfour. ndlr) afin de fonder un foyer national pour le peuple juif en Palestine ».
En incluant la déclaration Balfour dans le mandat confié à la Grande Bretagne, ce texte devient par là même une résolution internationale soutenue par 52 pays-membres de la Société des Nations, puis par les États-Unis, qui deviendra membre de l'organisation internationale quelques années plus tard.
Dans les paragraphes 5, 6 et 7 du protocole de San Remo, on peut lire : « Aucun territoire de Palestine ne sera cédé, ou loué, ou placé de quelque manière que ce soit sous le contrôle du gouvernement de toute puissance étrangère ». Ou encore : « L'administration de la Palestine, tout en s'assurant que les droits des autres parties de la population ne soient pas altérés, doit faciliter l'immigration juive dans des conditions appropriées et encourager, en coopération avec l'Agence juive, l'installation dense de Juifs sur la terre, y compris les terres de l'État et les terres incultes non requises à des fins publiques ».
Enfin, « l'administration de la Palestine est responsable de l'adoption d'une loi sur la nationalité. Doit être inclus dans cette loi des dispositions aménagées de manière à faciliter l'acquisition de la nationalité palestinienne par des Juifs qui acquièrent leur résidence permanente en Palestine ».
À cette époque, il faut le rappeler, la Palestine, ce n'est pas seulement la rive ouest du Jourdain, mais également, et surtout - à raison de 70 % du territoire - la rive Est, là où se situe aujourd'hui la Jordanie.

Les micmacs de l'Empire britannique

Ce qui se passe ensuite est lié à des changements politiques internes à la Grande Bretagne et à l'élection d'un gouvernement hostile à la création d'un foyer national juif sur tout le territoire de Palestine. C'est ainsi que la Grande Bretagne, après avoir soutenu clairement les conclusions de la conférence de San Remo, change d'avis et tisse des liens diplomatiques avec les pays arabes entourant la Palestine ainsi qu'avec plusieurs dirigeants arabes.
C'est suite à ce rapprochement diplomatique qu'est créé en 1921 la Transjordanie, un État semi-autonome par rapport aux Britanniques, dirigé par Abdallah Hussein, fils du chérif de la Mecque Hussein Ibn Ali, et arrière grand-père d'Abdallah, l'actuel roi de Jordanie.
Mais en ce qui concerne la rive ouest du Jourdain et donc la Judée-Samarie, rien n'a changé : ces régions font toujours partie des territoires sur lesquels devra être créé le foyer national juif.
Selon de nombreux juristes, parmi lesquels le Pr Cho'hatman mais également le Pr Talya Einhoren et le juriste américain Eugène Rostov, l'un des rédacteurs de la fameuse résolution 242, le plan de partage du 29 novembre 1947 ne change rien à la donne lui non plus. En effet, ayant été adopté par l'Assemblée générale de l'ONU et non par son conseil de sécurité, il ne peut être considéré comme ayant force de loi. Sur le plan juridique, il s'agit plutôt d'une recommandation qui n'obtient de validité légale qu'en cas d'entérinement par les deux parties en question. Ce plan ayant été rejeté par les puissances arabes, son statut reste donc protocolaire.
Pour d'autres juristes, le plan de partage a transformé la Judée et la Samarie en territoires dont le statut reste trouble : d'un côté, ils ne font pas partie de l’État d'Israël créé en 1948 mais de l'autre, ils n'appartiennent pas à la Jordanie qui les occupe durant la guerre d'Indépendance.

L'occupation jordanienne
Le peuple juif a-t-il perdu ses droits sur la Judée et la Samarie avec l'occupation jordanienne entre 1948 et 1967 ?
Pour de nombreux juristes, la réponse est négative, la Jordanie s'étant autoproclamée souveraine de ces territoires après la guerre d'Indépendance avec uniquement le soutien de deux pays, la Grande Bretagne et le Pakistan. De plus, cette même Jordanie a décidé, en 1988, de renoncer à sa souveraineté en Judée-Samarie. En passant, le terme Cisjordanie n'aurait donc normalement plus lieu d'être...

Est-ce que la dissolution de la Société des Nations, qui a fait place à l'ONU et la fin du Mandat britannique sur la Palestine ont causé le moindre changement dans les droits du peuple juif sur sa terre?
Là aussi, la réponse est négative car, en vertu du paragraphe 80 de la charte de l'ONU, « aucune disposition du présent chapitre ne sera interprétée comme modifiant directement ou indirectement en aucune manière les droits quelconques d'aucun État ou d'aucun peuple ou les dispositions d'actes internationaux en vigueur auxquels des Membres de l'Organisation peuvent être parties ». En clair, cela signifie que l'ONU s'engage, en 1945, à protéger la légitimité des droits territoriaux fixés par la SDN. Pour le Pr Eugène Rostov, cité plus haut, cela signifie que « le droit du peuple juif à s'installer sur la terre d'Israël n'a jamais connu d'interruption sur tout le territoire situé à l'ouest du Jourdain et ce tant qu'un accord de paix ne sera pas signé entre Israël et ses voisins ». Il écrira plus tard qu'« Israël a un droit indéniable d’établir des implantations en Cisjordanie ».

Les accords d'Oslo ont-ils influé sur le statut de la Judée et de la Samarie du point de vue du droit international ?
Là aussi, la réponse est à chercher dans les textes eux-mêmes. En effet, il est indiqué, dans l'accord préliminaire de 1993 que l'accord de paix final sera signé par les deux parties « au terme de négociations ». L'accord dit d'Oslo II, ratifié en 1995, prévoit pour sa part qu'aucune des deux parties « n'initiera ou n'entamera de démarches pouvant changer le statut de la Cisjordanie et de la bande de Gaza jusqu'à la fin des négociations sur l'accord de paix final ». Toute démarche unilatérale - comme par exemple la proclamation, en septembre, par les Palestiniens d'un État indépendant - se fera donc en totale opposition non seulement avec les accords d'Oslo mais aussi avec la résolution 242 de l'ONU qui soutient que chacune des parties est en droit de « vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et reconnues ». Les frontières d'un État palestinien autoproclamé sont bien entendu loin d'être « sûres et reconnues » du point de vue d'Israël...

Soit dit en passant, la résolution 242 ne parle pas du tout de '' Palestiniens '' mais des États existants, c'est-à-dire la Jordanie, l’Égypte et la Syrie.

Il existe encore d'autres arguments plaidant en faveur de la légitimité de la présence juive en Judée Samarie, comme, par exemple, le fait que ces territoires ne peuvent être considérés comme '' occupés '' puisqu'ils n'appartenaient pas, de facto, à un État ennemi. Ou encore l'incohérence du terme '' frontières de 1967 '' qui ne sont en rien des frontières mais plutôt la ligne de cessez-le-feu entre les armées israéliennes et jordaniennes au terme de la guerre d'Indépendance de 1948.
Au niveau juridique, Israël se trouve donc en position plutôt confortable.
Et pourtant, ces arguments ne sont pas soulevés. Les raisons ? Elles sont multiples : Israël et les Israéliens ont fini par se convaincre eux-mêmes qu'ils étaient une puissance coloniale et toutes les archives du monde ne parviendront pas à les libérer de cette image déformée. Et puis aussi, à Jérusalem, on a vraisemblablement le sentiment que, droit ou pas droit, raison ou pas, le monde a déjà choisi son camp. Dans les couloirs du ministère des Affaires étrangères, on affirme même qu'en droit international, « c'est 99 % de politique et 1 % de droit ». Mais en Israël, il existe une autre expression qui dit qu'il ne suffit pas d'avoir raison, mais qu'il faut aussi être intelligent.

http://www.hamodia.fr/article.php?id=2138


Plan de partage de la Palestine

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