mardi 13 juillet 2010

Le Japon épuise ses travailleurs immigrés

Au Japon, la mort par surmenage n'est plus réservée aux travailleurs locaux. Le ministère du Travail a révélé la semaine dernière que vingt-sept «stagiaires» étrangers étaient morts en 2009 dans le pays. La plupart ayant moins de 40 ans, ils sont probablement décédés de karoshi ( «surmenage» en japonais). Il est vrai que c'est un progrès: en 2008, il y en avait eu trente-quatre.

Le surmenage est un fléau bien connu au Japon. L'entreprise y structure tellement la vie quotidienne qu'il n'est pas rare que les salariés se laissent totalement happer par leur vie professionnelle. Selon certaines études, plus de 10.000 Japonais se suicident par an pour des raisons professionnelles. Chaque année, quelques centaines de Japonais meurent directement de surmenage. Mais le cas de ces travailleurs étrangers est différent. Venus au Japon sous couvert d'un programme d'aide au développement, ils servent de main-d'œuvre non qualifiée pour le secteur manu­facturier, à court de bras dans un pays en panne démographique depuis trente ans.

Des PME emploient ces malheureux dans le textile, la métallurgie ou l'agriculture. Leur statut de «stagiaire» exempte leurs employeurs des règles de protection du droit du travail et les condamne à un salaire de misère. Le système est utilisé par des «passeurs» liés au monde yakuza, dans le silence de Jitco, l'agence chargée officiellement de ce programme, comme des médias nationaux. Qu'ils n'espèrent pas non plus se faire entendre politiquement: la gauche japonaise a toujours fait front contre l'immigration au travail, comprenant qu'elle menaçait les salaires des «locaux».

Ces «stagiaires» ne peuvent même pas se plaindre de leur condition: l'administration nippone a acheté leur silence, exigeant l'équivalent de plusieurs années de salaire de caution avant leur départ pour le Japon. «En Chine, ils laissent jusqu'à 30.000 euros de caution!», s'insurge Rira Abiko. Cette avocate pourchasse les abus, mais elle comprend le dilemme des petites sociétés qui ont recours à Jitco: «Les grands groupes comme Toyota, Honda ou Panasonic les font vivre en leur demandant de briser leurs coûts. Elles n'ont d'autre choix que d'employer cette main-d'œuvre à très bon marché.» Bien qu'il n'y ait pas de chiffre officiel, on ­estime à 200 000 le nombre de ces «stagiaires» au Japon. Soit 10% de la population étrangère de l'archipel.

http://www.lefigaro.fr/international/2010/07/12/01003-20100712ARTFIG00642-le-japon-epuise-ses-travailleurs-immigres.php

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